Dessins du studio Ghibli, l’exposition au musée Art Ludique !

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Née au Musée Ghibli de Mitaka, cette exposition a été présentée pendant six ans dans différentes villes du Japon, puis est passée par Hong Kong l’année dernière, avant d’arriver tout droit à Paris. Une exclusivité européenne à ne pas manquer !

A la suite de sa première exposition dédiée au studio Pixar, le musée Art Ludique propose une programmation plutôt subversive. Jean-Jacques Launier, son fondateur et ex-directeur de la galerie Arludik, tend à développer depuis un an un contenu en rapport avec l’animation, la bande dessinée, les jeux vidéo et les mangas. Tous ces domaines considérés depuis longtemps comme de la « culture populaire » n’avaient jusqu’alors pas d’institution où s’émanciper officiellement.

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En 2005, le musée de la Monnaie de Paris avait fait le pari de réunir des aquarelles et croquis de Miyazaki et Moebius 1, cette exposition a eu un écho retentissant et tout le monde s’en souvient encore. « L’exposition consacrée aux dessinateurs Moebius et Miyazaki, que nous avions montée à la Monnaie de Paris en 2004, avait fait 120 000 visiteurs en cinq mois », rappelle Jean-Jacques Launier. 2

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Les « poèmes dessinés de Ghibli »

Au musée Art Ludique, les visiteurs peuvent avoir accès à des pièces exclusives et uniques, sous la forme de layouts, de sculptures ou d’installations vidéo. L’exposition contient une quantité de layouts impressionnante, notamment pour Le Voyage de Chihiro, avec plus de 1 300 dessins en tout selon les organisateurs.

Tous les layouts sont des originaux présentés sous verre et certains ont une taille colossale, comme ceux établis pour un plan-séquence* dans Kiki la petite sorcière, ou encore un format kakemono vertical d’un plan en contre-plongée pour exprimer la grandeur de l’arbre qui est au centre de l’île volante du Château dans le Ciel. C’était curieux de constater que certains layouts ont été créés avant ma naissance, des petits bouts de Scotch jaunis attestent de la date de conception et donnent un cachet mystérieux à l’objet papier. On peut s’approcher suffisamment pour remarquer les détails et les annotations sur chaque dessin. Certaines notes de Miyazaki à l’attention des animateurs sont plutôt cocasses (remontrances ou félicitations). On se rend aussi compte de l’exigence drastique qui réside derrière tout ce travail.

Les visuels sont présentés à hauteur d’homme, sauf pour la dernière salle où des pans de murs entiers sont recouverts de layouts et où certains, plus en hauteur, sont parfois difficiles d’accès. Amis Hobbits vous serez prévenus !

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Layout, Le Voyage de Chihiro.

« Pour comprendre l’animation » par le layout

Le layout est une étape dessinée qui intervient après le storyboard et avant le crayonné plus poussé. Le layout définit tous les paramètres de la composition de l’image. Il permet de transmettre les indications aux animateurs et aux responsables des prises de vue. Les indications comprennent « l’emplacement des décors, [des] accessoires et personnages dans le cadre ; les mouvements de caméra, leur vitesse ». Si le storyboard constitue déjà un plan détaillé du film dans son ensemble, « le layout est une cartographie détaillée de chaque plan ».1

Un organigramme est présenté au début de l’exposition et permet de situer les layouts dans les étapes de production d’un film d’animation :

Préproduction / Planning budgétaire

Scénario

Storyboard + dessins de concept design

LAYOUT

Animation + décors + 3D (avec images clés et images intermédiaires)

Traçage et gouachage

Image numérique

Montage

Son

Fin ! 3

Vous pouvez constater que la création des layouts est bien en amont. C’est le processus de visualisation de l’idée sur le papier, mais aussi un travail graphique qui requiert un certain sens de la composition.

Une fois dessiné, le layout doit être corrigé et approuvé par le réalisateur lui-même. Selon Isao Takahata « l’artiste de layout est davantage le bras droit du réalisateur ».

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Layout, Princesse Mononoké.

Au tout début de l’exposition, on nous liste des termes techniques d’animation pointus accompagnés de leurs définitions : par exemple le « Tsuke pan : se traduit littéralement par ‘’Panoramique qui suit’’ (…) il s’agit d’un effet reproduisant le mouvement de caméra de bas en haut ou de gauche à droite (et vice-versa). »3 ou encore le Kumi : abréviation de Kumisen, terme qui désigne les portions de l’image où les personnages interagissent avec les décors. Lorsque, par exemple, une partie du personnage est cachée par le décor, ou bien lorsqu’un protagoniste traverse et brise une fenêtre.

Techniquement, pour animer une image, l’animateur pose un celluloïd (feuille transparente) par-dessus le layout et se concentre sur la zone indiquée aux traits rouges (la zone à animer), comme par exemple une balançoire. L’animateur peut appliquer plusieurs celluloïds afin de dessiner les différentes positions de la balançoire sur chacun d’eux et créer le mouvement souhaité. Plusieurs celluloïds peuvent ainsi être superposés, ce qui permet une grande économie de travail puisque toutes les parties immobiles n’ont pas à être redessinées.

Le lien entre les termes techniques relatifs aux layouts et leur application dans le processus de création par les animateurs n’est pas forcément bien illustré. On aurait aimé plus de mises en situation au sein du département des animateurs du studio Ghibli avec le suivi d’une scène bien particulière depuis le storyboard jusqu’à l’image animée pour bien comprendre la façon dont le layout est utilisé.

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Layout, Princesse Mononoké.

Cependant, le musée Art Ludique a priorisé un parcours et une présentation à première vue intéressante. Le parcours propose un suivi chronologique des films de Miyazaki et de Takahata, puis leurs films et séries conçus hors studio Ghibli mais aussi les films des autres réalisateurs du studio.

Les bons points Mageek

Les + :

  • Avec un espace de 1 000 m2, il y a beaucoup de salles, aussi, je vous conseille vivement de prendre au moins 2 heures de votre temps pour tout voir correctement.
  • La boutique propose des goodies officiels estampillés Ghibli (peut-être plus chers mais les peluches et figurines sont moins cheap que celles que l’on trouve sur certains stands à Japan Expo, et le sourire de Totoro est bien en place) mais aussi des reproductions de sérigraphies imprimées sur des pochettes plastiques transparentes de différentes tailles (clear folder en anglais).
  • Le catalogue épais de 471 pages au prix très abordable (dont 4 doubles pages pour déployer les grands dessins. Seul bémol, aucun layout pour Kiki la petite sorcière (un oubli ?). Le catalogue propose des interviews et notes d’Isao Takahata, Gorô Miyazaki et des personnages phares du studio Ghibli.
  • Vous pouvez par ailleurs regarder l’interview de Miyazaki réalisée par le musée en cliquant sur ce lien : http://vimeo.com/106901562

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Les – :

  • Audioguides sans grand intérêt (seulement pour situer les films, titres et dates pour les non-initiés du studio Ghibli).
  • Pas de photos de l’intérieur du studio d’animation ni des équipes au travail.

Cette exposition dure jusqu’au 15 mars 2015 au musée Art Ludique situé à la Cité de la Mode et du Design, 34 Quai d’Austerlitz, 75013 Paris. Métro Stalingrad.

Tarifs : 15,50 € plein tarif. Plus d’infos ici : http://artludique.com/billet.html

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Notes :

*Plan-séquence : au cinéma, un plan-séquence est une scène filmée en un seul plan qui est restituée telle quelle dans le film, c’est-à-dire sans montage.

 

  1. miyazaki-moebius.com
  2. leparisien.fr : « C’est le premier musée d’art ludique…», 15/11/2013
  3. Catalogue de l’exposition « Dessins du studio Ghibli : pour comprendre les secrets de l’animation de Takahata & Miyazaki » – ed. Art Ludique Le musée. © Studio Ghibli Inc.

Lizu